La parthénogénèse chez l’abeille.

Lors de la visite de printemps, nous avons quelquefois la mauvaise surprise de trouver une colonie sans reine. Le constat saute immédiatement aux yeux quand on découvre du couvain mâle sans aucune trace de couvain d’ouvrière. Cette colonie est condamnée, au moins d’un point de vue apicole : elle va irrémédiablement s’effondrer et soit tomber malade, soit se faire piller. En tout cas, elle va vers la mort. Pour l’espèce, la colonie bourdonneuse de fin de saison a comme avantage de produire quelques mâles pour des fécondations d’urgence mais celle de printemps a peu d’intérêt.

Nous pouvons essayer quelques  tentatives de sauvetage :

  • Soit mettre un cadre de ponte fraîche issu d’une autre colonie.
  • Soit y mettre une très vieille reine, avec peu de ponte et surtout des phéromones peu puissants qui peut en douceur prendre la place de la pondeuse et permettre ensuite un remérage.
  • Toute tentative d’y mettre une jeune reine vaillante est vouée à l’échec : l’ouvrière pondeuse étant très agressive ne lui laissera aucune chance de survie.

Mais, globalement, pourquoi perdre du temps à sauver une colonie extrêmement fragilisée et qui peut être une source de contamination dans le rucher. C’est la raison pour laquelle, si on découvre le phénomène tôt, on secouera la colonie à plusieurs centaines de mètres du rucher afin que l’ouvrière pondeuse ne vienne désorganiser avec sa troupe une autre ruche. Si le constat est plus tardif et que des moisissures ou autres symptômes alarmants sont visibles, une mèche de souffre viendra clore cette histoire.

Mais, très rarement, un miracle se produit. Une colonie clairement identifiée comme bourdonneuse se retrouve avec une vraie reine qui pond un couvain mixte. Phénomène très rare bien entendu. Que s’est-il donc passé ?

La première hypothèse serait de dire que des ouvrières seraient allées voler des œufs dans d’autres ruches : hypothèse jamais validée.

Mais une autre hypothèse s’avère plus plausible : la clé se trouve peut-être dans les deux opérations qui participent de la vie et de la reproduction des cellules, particulièrement des cellules sexuelles : la méiose et la mitose. Tous les individus sont diploïdes, les abeilles aussi : nous possédons 2 paires de chromosomes. Lorsque nos cellules se divisent, chaque paire de chromosomes se divisent aussi pour redonner deux nouvelles cellules avec chacune 2 paires de chromosomes. C’est ce qu’on appelle la mitose.

Mais, pour les cellules sexuelles, ce processus n’est pas possible car, après la fécondation, on se retrouverait avec des œufs contenant chacun 4 paires de chromosomes.  Impossible , ce serait une chimère!!

Donc la méiose des cellules sexuelles commence par une mitose incomplète : les 2 paires de chromosomes se dédoublent mais sans séparation physique de l’ovule,  puis chaque paire de chromosome se sépare et on aboutit à 4 entités haploïdes que l’on va appeler globules polaires. Il n’y a pas de division physique et les globules restent dans la même enveloppe. Habituellement, 3 de ces globules  dégénèrent et sont expulsés après la fécondation. Ici, dans ce cas, un globule haploïde va recevoir le jeu de chromosomes d’un autre globule haploïde qui jouera le rôle du spermatozoïde et cette opération redonnera un œuf diploïde qui sera le point de départ d’un nouvel individu femelle, future reine.

Ce phénomène très particulier s’appelle la parthénogénèse thélytoque. Il est très rare et mériterait que des études plus poussées soient réalisées sur nos races d’abeille.  Il a été observé par des scientifiques et fait partie du comportement habituel de l’abeille du Cap. On peut supposer que, dans le génome de nos abeilles, il soit présent de manière dormante, plusieurs gènes récessifs,  et que quelquefois , au hasard de la loterie génétique, il s’active.