La question m’est souvent posée et d’ailleurs beaucoup de personnes emploient indifféremment l’un ou l’autre mot en parlant des abeilles.
Alors hiverner ou hiberner ? Certains animaux hibernent: ils s’endorment pendant les mois les plus rigoureux sur leur stock de graisse pour ne se réveiller que quand les conditions climatiques s’améliorent et que les températures leur permettent de repartir en quête de nourriture et d’entamer le processus de reproduction. Les animaux de ce type les plus connus sont: les ours, les loirs, les marmottes. Mais ce qu’on sait moins c’est que des insectes, des batraciens hibernent: les frelons, les guêpes, les grenouilles, les salamandres. Chez les insectes ce ne sont essentiellement que des jeunes femelles fécondées qui hibernent et seront, dès l’arrivée du printemps en capacité de se reproduire ou de fonder une colonie.
Par contre, les abeilles hivernent. C’est à dire qu’elles s’appliquent un protocole de survie leur permettant de rester éveillées tout en résistant à l’hiver. Car plus que le froid c’est son corollaire, l’humidité de condensation, qui nous pose problème en apiculture.
Comment s’organisent les abeilles durant l’hivernage? Eh bien le seul impératif de la ruche en hiver est de préserver la reine. Toute l’organisation de l’hivernage va en découler. La reine doit être en capacité de recommencer à pondre afin de repeupler la ruche au printemps. Or elle ne peut se subvenir à elle-même: elle ne sait ni se nourrir seule ( on doit lui préparer une bouillie) ni réguler sa température elle-même ses muscles étant atrophiés par une vie sédentaire. Enfin, elle doit être « palpée » et nettoyée par les abeilles. Cette stimulation physique est essentielle à son équilibre. Mais elle est aussi essentielle à la colonie: en effet des hormones cuticulaires sont émises par la reine, et reprises par palpation du corps de la reine .
Pour produire et maintenir une température correcte pour la reine, les abeilles mobilisent les muscles qui leur servent au vol. Ces muscles effectuent des contractions, plus exactement ils réagissent à des vibrations qui les font bouger. Mouvement = production de chaleur + vapeur d’eau, comme nous quand nous faisons un petit exercice de jogging …. Cette chaleur dégagée par chaque abeille se cumule et aboutit à une température centrale d’environ 35°, température idéale pour une reine abeille. Les abeilles ont besoin d’ énergie pour alimenter les muscles. Une partie du miel engrangé pendant l’été sert donc d’énergie aux abeilles pour produire la chaleur nécessaire à la survie de la grappe en hiver.
Pour économiser au maximum cette chaleur produite, les abeilles, se regroupent en boule, en grappe. Plus il fait froid, plus la grappe se ressert. On estime que la déperdition de chaleur est quasiment nulle à quelques centimètres de la grappe. Les abeilles ne chauffent donc pas leur habitat. Les abeilles situées sur la périphérie de la grappe ne doivent pas descendre en dessous de 6° sinon c’est la mort. Dès que le température atteint 10°, elles replongent dans la grappe et se réchauffent avant de se remettre à produire de nouveau de la chaleur pendant qq temps. La fatigue arrivant, elles remontent en spirale doucement , jouant donc le rôle d’isolant et se dirigeant progressivement vers la périphérie pour se situer toujours au niveau de chaleur correspondant à sa température dans la grappe.
Dernier point , nous apiculteurs devons lutter à l’hivernage non pas contre le froid qui engourdit nos ruches. les abeilles le font mieux que nous. Un scientifique canadien a fait hiverner des ruches dans une ruche grillagées sans plus de dommages que si elles avaient passé l’hiver dans une ruche normale. Nous luttons contre la condensation issue de la chaleur produite pas les abeilles et qui se dépose sur les parois froides, les cadres inutilisés, les cloisons et favorise le développement de moisissures qui sont nos pires ennemis. Le moyen que nous employons est la création d’un léger courant d’air bas, haut qui permet d’éliminer une grande partie de cette humidité.
Une grappe d’abeilles moyenne consomme environ une quinzaine de kg de miel lors d’un hiver normal. Si pour une raison ou une autre elles consomment plus (hiver plus rigoureux, dérangements, suite de redoux et de froid …) et viennent à manquer de miel, alors nous les nourrissons avec un sucre candi dans lequel on peut rajouter du miel stérilisé, du pollen … Les disettes estivales que nous connaissons depuis quelques années sont la cause de ces manques de nourriture.